Project Pitchfork - Black - 2013

Pays : Allemagne
Date : 2013
Genre : Darkwave / Dark Electro

Souvenez-vous, nous parlions ici de cette brillante formation darkwave proche de la dark electro : après avoir enchaîné à une vitesse peu commune des albums combinant une mécanique EBM implacable et légèrement technoïde à une noirceur gothique passionnée, non sans une certaine poésie, Project Pitchfork aboutissait à un album recentré sur de sombres mélodies, c'était Eon : Eon, en 1998, évolution confirmée trois ans plus tard par l'excellent Daimonion. Au cours des années 2000, le groupe a poursuivi l'exploration de cette voie, de moins en moins froid, de plus en plus onirique au point de faire penser à un cousin gothique de la synthpop plutôt qu'au jeune groupe aux convictions bien tranchées d'autrefois ; cette période a fourni de jolies choses, notamment l'album Continuum Ride, mais ce n'est généralement pas ce qu'on attend de Project Pitchfork, et force est d'admettre qu'on finit par tourner en rond... Un constat mitigé, donc.

Le titre de ce nouvel opus parait indiquer un retour à quelque chose de plus sombre, ce qui ne sera pas sans enthousiasmer les fans des plus anciens albums ; cependant, tout n'est pas si simple, car comme ils le disent eux-mêmes, Black is the sanctuary of Light...

Or, c'est une idée qu'on retrouve dans la musique : fatigué de naviguer sur des mers calmes, le trio germanique introduit bien plus d'EBM et de techno qu'auparavant dans ses morceaux, ceux-ci sont construits de manière plus dansante et mécanique, les rythmes percutants reprennent la place qui leur revient aux côtés de la mélodie ; néanmoins, les sons restent dans leur grande majorité clairs et plus aigus que ceux tirés de l'industriel des années 90, même si on en sent d'autres plus rugueux refaire surface en arrière-plan. Pour caricaturer, on pourrait comparer cet album à des structures EBM/techno utilisant les sonorités de Depeche Mode ! Malgré cette étrangeté, le résultat s'avère solide et cohérent, soigneusement tissé comme sait le faire Project Pitchfork. Ni retour en arrière ni simple continuité des années 2000, c'est du Project Pitchfork 2013.

Les trois premiers morceaux sont probablement les plus révélateurs : Pitch-Black, Drums Of Death et Enchanted Dots Of Light sont tous trois des morceaux entraînants, mais où les cassures techno/EBM sont accompagnés d'une pluie de sons plus lumineux, le mélange est agréable et rafraîchissant, les morceaux gagnent progressivement en intensité. Le quatrième, The Circus, s'inscrit également dans cette lignée, à ceci près qu'il est nettement moins sérieux, la musique étant aussi chargée de dérision que les paroles, sans oublier de se montrer riche et efficace pour autant. Le retour à plus de mouvement est donc un succès sur cet album, bien que les sons puissent paraître déconcertants. La deuxième partie de l'album est plus calme, car, eh oui, Project Pitchfork n'a pas perdu son goût pour les ballades...

Néanmoins, Rain possède un univers musical si prenant que cela ne pose aucun problème : les quelques notes claires sont décousues, accompagnées d'un rythme monotone tout à fait approprié par contraste avec le chant superbement mélancolique de Peter Spilles, les mélodies se voient agréablement superposées, évitant le piège d'une ballade trop plate... On reconnait la griffe de Project Pitchfork, et avec quelque chose de neuf ; c'est de loin la chanson qui m'a le plus marqué sur cet album, ce petit bijou a d'ailleurs été choisi pour fournir un clip. On en aura nettement moins au service de Contract et Storm Flower, qui s'engouffrent précisément dans les travers qu'a évité Rain, trop lisses, sans rien qui se démarque vraiment, mais la fascination hypnotique décrite en toute simplicité par Acid Ocean les fait aussitôt pardonner. Là encore, le chant de Peter Spilles est impeccable, il faut croire que les ballades l'inspirent maintenant plus que les réquisitoires écologistes, qu'on le veuille ou non. Pour conclure l'album, on débouche sur une sorte de dernière ligne droite, un morceau délibérément linéaire en forme de coup d'accélérateur nommé Black Sanctuary, les sons ne cassent rien mais la vitesse et le chant obsédant rendent l'ensemble jouissif, puis, une fois que la lumière s'est engouffrée une fois pour toutes dans les ténèbres, une dernière ballade surgit, Nil, le chant de ce qui n'existe pas, qui a le mérite d'être suffisamment minimale pour ne pas ressembler aux précédentes. Notez tout de même que l'édition augmentée intègre un second disque comportant deux morceaux sympathiques et les remixes plus axés sur le rythme de The Circus, Acid Ocean (oui, même lui !) et Pitch-Black, le jeu peut en valoir la chandelle pour les amateurs d'EBM.

Pour ceux qui connaissent le moins Project Pitchfork, sachez qu'il peut comme toujours chez ce groupe être intéressant de faire un détour par les paroles : si leurs thèmes sont bien connus dans des genres plus populaires, défense de la nature, amour, pacifisme, dénonciation de la consommation érigée en raison d'être, elles peuvent donner une saveur nouvelle à cette musique qui y est moins accoutumée, et réciproquement, ce type de paroles acquiert une dimension supplémentaire à être porté par une musique différente, qu'on s'y reconnaisse ou non.

C'est ainsi que Project Pitchfork réussit à nous surprendre encore au bout de vingt-quatre ans d'existence ! Cet album est de loin le meilleur depuis Daimonion en ce qui me concerne ; il n'est pas le retour à l'industriel attendu, qu'il n'y ait pas de malentendu, mais il fait preuve d'une créativité toujours vivace et d'honnêteté, se révèle varié et agréable à écouter. On gagne à s'y intéresser.

1/ Pitch-Black
2/ Drums Of Death
3/ Enchanted Dots Of Light
4/ The Circus
5/ Rain
6/ Contract
7/ Storm Flower
8/ Acid Ocean
9/ Black Sanctuary
10/ Nil

11/ Midnight Moonlight Misery
12/ Onyx
13/ The Circus (RMX)
14/ Acid Ocean (RMX)
15/ Pitch-Black (RMX)

Promis je l'écoute au plus vite!

Tant mieux, je pense que là, il y a des chansons où tu devrais trouver ton compte   Même si comme dit, ces temps-ci, ce sont les ballades qui paraissent leur réussir le mieux, mais ils ne s'en contentent pas sur cet album.

Bah, c'est ce truc qu'il fallait proposer pour le concours de chroniques!  

Bon, j'ai décidé de redonner une chance à ce groupe... mais pas avec cet album!  Je vais plutôt remonter le temps... 20 ans en arrière   (j'ai quand même écouté "Enchanted dots of light" par curiosité : ça s'écoute, mais c'est beaucoup trop "flashy" pour moi...   )

Bah, c'est ce truc qu'il fallait proposer pour le concours de chroniques!

J'y ai pensé, mais ça aurait été un peu déloyal, j'ai commencé à l'écouter en janvier^^ Et puis, comme ce n'est pas ta tasse de thé^^

Bon, j'ai décidé de redonner une chance à ce groupe... mais pas avec cet album!  Je vais plutôt remonter le temps... 20 ans en arrière   (j'ai quand même écouté "Enchanted dots of light" par curiosité : ça s'écoute, mais c'est beaucoup trop "flashy" pour moi...   )

Je comprends que tu trouves ça trop flashy, yep, surtout à la première écoute, les sonorités lumineuses dominent clairement, même s'il y en a de plus sombres quand on y fait attention. Si tu cherches quelque chose d'assez minimal et de bien froid, tape plutôt dans Lam'Bras ou dans Io.